Les forêts ont joué un rôle essentiel dans l’histoire et l’économie du Canada. Le concept d’aménagement forestier a considérablement évolué au fil des siècles. Autrefois limité à l’exploitation du bois pour satisfaire la demande économique, il englobe désormais des objectifs plus larges, intégrant la conservation ainsi que des valeurs sociétales et culturelles. Les produits forestiers, ainsi que les principes, les pratiques, les méthodes et les technologies d’aménagement forestier ont connu des avancées significatives afin d’assurer la durabilité de nos ressources naturelles.
Anciennes pratiques dans les forêts canadiennes (jusqu’au début des années 1900)
- Il y a environ 10 000 ans, presque tout le territoire canadien était recouvert de glaciers. Le réchauffement progressif du climat et le recul des glaces ont permis aux êtres humains de commencer à peupler le paysage. Après cette période, les peuples autochtones ont géré les forêts pour subvenir à leurs besoins, notamment en matière de combustible et d’abri. Par exemple, de grandes surfaces de forêts étaient brûlées pour faciliter les déplacements et augmenter la superficie des pâturages pour les bisons, les cerfs et les orignaux. Grâce à leur connaissance du territoire, à leurs réseaux d’échange et à leur savoir-faire, les peuples autochtones ont joué un rôle central dans la traite des fourrures, qui était alors en plein essor.
- Les colons européens ont défriché des parcelles de forêt afin de mettre en place une économie agricole. Durant ce processus, il n’y avait aucune notion de foresterie durable ni d’arbres en tant que ressource renouvelable, ce qui excluait toute planification à long terme. Les pratiques de récolte n’étaient pas réglementées, car les forêts étaient considérées comme un obstacle à la priorité économique de l’époque : l’agriculture.
L’émergence d’une conscience environnementale (début et milieu des années 1900)
- Au début des années 1900, les effets de la surexploitation et du déboisement deviennent évidents. Cela conduit à une importante prise de conscience environnementale.
- En réponse à cette situation, l’entité aujourd’hui connue sous le nom de Service canadien des forêts (SCF) est créée par le gouvernement du Canada en 1899 avec un budget de 1 000 dollars. Elihu Stewart, le premier employé, se concentre sur la protection des forêts contre les feux, la plantation d’arbres dans les Prairies pour offrir des brise-vent aux colons et la récolte de bois pour le combustible et les matériaux de construction. La protection des forêts contre les insectes ravageurs devient rapidement une activité importante par la suite.
- L’essor de l’exploitation forestière dans les années 1920 et 1930 accentue davantage la nécessité de maintenir le rendement soutenu du bois.
Évolution vers des pratiques de production de bois durables (milieu et fin des années 1900)
Mise en place de règles pour l’aménagement forestier
- Depuis le milieu des années 1900, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont mis en œuvre une série de règlements et de politiques visant à promouvoir une foresterie à rendement soutenu. Ces règlements imposent aux aménagistes forestiers de fournir un approvisionnement en bois durable à long terme et de reboiser les zones où la régénération naturelle est insuffisante.
- Au fédéral, on peut citer la Loi sur les forêts du Canada (1949) et la Loi sur les forêts (1985).
- Près de 90 % des forêts du Canada sont de propriété publique, et elles sont gérées par les gouvernements provinciaux ou territoriaux dans le cadre de leurs lois. Parmi les exemples provinciaux, on peut citer les lois sur les forêts du Nouveau-Brunswick (1980), du Québec (la Loi sur les forêts de 1986 qui sera remplacée par la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier en 2013) et de la Colombie-Britannique (1996).
- Le Conseil canadien des ministres des forêts est créé en 1985. Il présente un cadre de coopération entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral.
- Depuis le sommet de Rio en 1992, le Canada est devenu signataire de nombreux accords internationaux connexes à l’utilisation durable des ressources.
- Le groupe de travail du Processus de Montréal est lancé en 1994. Il élabore un ensemble de critères et d’indicateurs internationaux pour rendre compte de l’AFD dans ses 12 pays membres.
Mise en œuvre d’un aménagement fondé sur les écosystèmes
L’aménagement forestier au Canada met de plus en plus l’accent sur les approches écosystémiques qui imitent les processus de perturbations naturelles historiques. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la production de bois, il prend en compte de multiples facteurs, notamment :
- les aires protégées;
- la séquestration du carbone;
- la qualité de l’eau;
- les habitats fauniques;
- les valeurs spirituelles et culturelles;
- les possibilités de loisirs.
Adoption de systèmes de certification pour promouvoir des pratiques de foresterie durables
Au cours des dernières décennies, les programmes de certification ont été de plus en plus utilisés par le secteur forestier dans de nombreuses provinces et territoires. Ces programmes offrent une vérification par une tierce partie pour s’assurer que les forêts sont gérées de manière durable en respectant des critères environnementaux, sociaux et économiques. La première certification forestière au Canada a eu lieu en 1995.
Innovation et foresterie sociale (années 2000)
De nouveaux outils pour aider à l’aménagement forestier
Les progrès technologiques ont considérablement amélioré la capacité de surveillance et de gestion des forêts. Les systèmes d’information géographique et la télédétection utilisant l’imagerie satellitaire ou la détection et télémétrie par ondes lumineuses (lidar) permettent aux aménagistes forestiers de collecter des données détaillées sur la composition, la santé et la productivité des forêts, ce qui permet de prendre des décisions de gestion plus éclairées. Aujourd’hui, la plupart des provinces et territoires ont mis en place des programmes d’inventaire visant à collecter des données lidar sur l’ensemble de leurs terres gérées.
Investissements dans la recherche et le développement pour des pratiques de foresterie durables
La recherche et l’innovation en cours jouent un rôle crucial dans l’évolution des pratiques d’aménagement forestier. Les universités canadiennes, les instituts de recherche, les gouvernements et les partenaires de l’industrie collaborent à des projets visant à élaborer des pratiques sylvicoles adaptatives, des semis génétiquement améliorés, des outils de protection des forêts et des stratégies d’adaptation aux changements climatiques. Ces connaissances sont transférées aux spécialistes et permettent de s’assurer que les pratiques d’aménagement forestier restent adaptatives et résilientes.
Intégration du savoir autochtone et des pratiques écologiques traditionnelles
En 2021, plus de 55 % des Autochtones vivaient dans les forêts ou à proximité. Pour de nombreux peuples autochtones vivant en lien étroit avec la forêt, leur relation avec la terre et les forêts fait partie intégrante de leur culture, de leur communauté et de leurs traditions. Ces liens privilégiés les amènent souvent à participer activement à la gestion et à la conservation des forêts. Des approches collaboratives, respectueuses des droits autochtones, sont de plus en plus souvent adoptées, ce qui favorise des pratiques d’AFD plus inclusives et permet aux peuples autochtones de regagner la souveraineté sur leurs terres et leurs ressources. RNCan joue un rôle actif dans la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le biais de la législation, de politiques et de programmes. La mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones au Canada permettra aux communautés autochtones de mieux contrôler leurs terres ancestrales, y compris les forêts, en garantissant leur droit de prendre des décisions concernant les pratiques forestières et la gestion des ressources, et en favorisant le développement durable dans le secteur forestier autochtone. La Loi applique également le principe du consentement libre, préalable et éclairé, garantissant que les communautés autochtones ont leur mot à dire dans les décisions liées aux activités forestières et appuyant la préservation de leur patrimoine culturel et de leur savoir traditionnel.
Regard vers l’avenir
Au cours des 125 dernières années, les principes de l’AFD ont évolué pour reconnaître les droits des générations futures à profiter des dons naturels qu’offrent les forêts. L’AFD continue d’évoluer en prenant en compte les valeurs changeantes de la société. De nouveaux outils et techniques de gestion aident à cette avancée grâce à l’innovation, notamment l’émergence de l’intelligence artificielle (IA). L’IA peut mieux caractériser les paramètres forestiers et recommander des actions grâce à des plateformes d’aide à la décision. Elle peut gérer de grandes quantités de données et mettre à jour les modèles en temps réel.
Le Canada a pris des engagements, à l’échelle nationale et internationale, en faveur de l’AFD et de la conservation.
En soutien à la durabilité, le Canada est devenu l’un des nombreux pays signataires du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal (CMBKM) en 2022. Le CMBKM fait appel à la communauté internationale pour freiner et inverser la perte de la biodiversité d’ici 2030 ainsi que rétablir des niveaux de biodiversité d’ici 2050.
Les provinces et les territoires réorientent leurs politiques, leurs réglementations et leurs guides opérationnels vers le bien-être écologique global de la forêt, en soutenant la biodiversité et d’autres valeurs.
L’AFD continuera d’évoluer en fonction des préoccupations environnementales, sociales et économiques. À l’instar des générations précédentes, le secteur forestier canadien demeure résilient et saura relever tous les défis en faisant preuve de persévérance et d’innovation, ainsi qu’en s’appuyant sur la recherche scientifique.
Sources et informations
- Daigle, B. 2012. One hundred years of federal forestry presence in New Brunswick. The Forestry Chronicle 88(3), 233-235.
- Drushka, K. et Burt, B. 2001. The Canadian Forest Service: Catalyst for the forest sector. Forest History Today Printemps/Automne, 19-28.
- MacDonald, H., DeBoer, K. et McKenney, D.W. 2023. Collaboration results in higher impact research: Case study of the Canadian Forest Service. The Forestry Chronicle 99(1), 25-33.
- Ressources naturelles Canada. Lois forestières du Canada.
- Processus de Montréal Criteria and indicators.