Alors que les températures moyennes de la planète devraient augmenter de deux à quatre degrés Celsius d’ici 2100, les prévisions pour le Canada montrent une augmentation d’entre quatre à huit degrés Celsius, soit jusqu’à quatre fois la moyenne mondiale. Le Canada est un pays de haute latitude et on s’attend à ce que les changements de température soient plus prononcés autour des pôles. Compte tenu d’une superficie forestière qui couvre près de la moitié du pays, les changements climatiques auront des répercussions importantes sur les forêts canadiennes.
Changements climatiques et transformation des forêts
La configuration forestière et végétale du Canada, deuxième plus grand pays au monde par sa superficie, est vaste et diversifiée. Les variations de température et de précipitations en raison des changements climatiques auront des effets variables selon les régions. En effet, on a déjà constaté des changements dans nos forêts en raison des changements climatiques, par exemple de meilleurs taux de survie des ravageurs au cours d’hivers plus chauds.
Les scientifiques du Service canadien des forêts (SCF) mènent des travaux sur les changements climatiques et leurs effets sur les forêts en vue d’aider les professionnels du domaine forestier et les collectivités forestières et autochtones à mieux comprendre à quels endroits et à quelle vitesse les changements surviennent. De telles connaissances viennent à l’appui de la prise de décisions concernant les mesures d’intervention et l’endroit de leur mise en œuvre.
Sécheresses
La sécheresse est un agent perturbateur important qui peut entraver la croissance des arbres, accroître leur vulnérabilité aux insectes et aux pathogènes, et entraîner leur mortalité. Historiquement, des sécheresses éparses sont communes dans les forêts boréales canadiennes, car certaines essences y sont plus résistantes que d’autres. À titre d’exemple, le pin gris est l’une des essences les moins touchées par la sécheresse. Cependant, même les arbres les plus résilients sont affectés par de graves et de fréquentes sécheresses.
Au cours des dernières décennies, les sécheresses sont devenues plus courantes et on s’attend à ce que celles-ci deviennent de plus en plus fréquentes et graves à l’avenir en raison des changements climatiques. Les arbres touchés par la sécheresse sont plus vulnérables aux insectes et aux pathogènes, entraînant ainsi une augmentation de la mortalité des arbres. De plus, les conditions de sécheresse augmentent le risque de feux de forêt de manière considérable. À long terme, les sécheresses auront une incidence sur la santé des arbres et le succès de leur régénération, ce qui pourrait provoquer des changements considérables aux écosystèmes forestiers.
Impacts des feux de végétation en hausse
Les feux de végétation évoluent sous l’effet des changements climatiques. Les temps plus chauds et plus secs que la normale sont de plus en plus fréquents, ce qui modifie les conditions météorologiques propices aux feux de forêt. Ainsi, les feux de végétation surviennent plus souvent et avec une plus grande intensité, et ce, parfois avant même l’émergence des feuilles. Il arrive également qu’ils se poursuivent durant l’hiver. Les régimes des feux sont donc en pleine transformation. D’ici 2100, on prévoit que la saison des feux pourrait s’allonger de plus d’un mois dans certaines régions forestières du Canada, et la superficie brûlée chaque année par les feux de végétation pourrait être deux à quatre fois supérieure à ce qu’on a connu au cours des dernières décennies.
Le feu constitue une perturbation naturelle dominante dans les forêts canadiennes. Il joue un rôle important dans l’écologie forestière, en contribuant à maintenir les écosystèmes sains et diversifiés. Dans la forêt boréale, les feux de végétation créent des conditions favorables à la germination des graines de pin gris (Pinus banksiana) et de pin tordu (Pinus contorta). Toutefois, le feu peut aussi entraîner des conséquences sociales, économiques et environnementales importantes. Les coûts liés aux activités de préparation, de prévention et d’intervention sont en hausse. Les évacuations, forcées par les menaces que les incendies posent aux infrastructures ou à la santé humaine, sont en hausse. Les feux récurrents peuvent nuire à la régénération des forêts et compromettre ainsi leur santé et la disponibilité du bois d’œuvre. Les forêts et les tourbières séquestrent d’importantes quantités de carbone, en plus d’autres gaz à effet de serre, qui sont relâchées dans l’atmosphère lors d’incendies. Conséquemment, une plus grande concentration de carbone dans l’atmosphère accentue le réchauffement climatique en emprisonnant la chaleur.
Modèles de comportement des insectes et des maladies forestiers
Les insectes et les maladies font naturellement partie des écosystèmes forestiers. Les infestations de ravageurs indigènes, comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette, déclenchent une régénération qui contribue à maintenir la santé et la diversité des forêts. Toutefois, le climat exerce une influence sur les populations d’insectes, et les changements climatiques ont une incidence sur la fréquence et la gravité des infestations. Ils provoquent aussi le déplacement des ravageurs vers le nord et vers des altitudes plus élevées. Par exemple, des températures plus chaudes durant l’hiver contribuent à accroître les populations de scolytes, car moins de scolytes sont tués par le froid.
Les arbres ont des mécanismes de défense naturels qui leur permettent de réagir aux attaques d’insectes et aux maladies et de s’y défendre. Cependant, les sécheresses découlant des changements climatiques augmentent les stress auxquels sont soumis les arbres, les rendant ainsi plus vulnérables aux insectes et aux pathogènes. En raison de ces effets cumulatifs, plusieurs zones forestières du Canada connaissent davantage de dommages par les insectes et les maladies que par le passé.
Conditions de croissance des arbres
Le climat influence la distribution des espèces et façonne la composition des forêts. Lorsque les schémas de Chapitre 4 — Rapport sur le climat changeant du Canada sont modifiés par les changements climatiques, les zones permettant la croissance et la reproduction d’une espèce donnée sont susceptibles de migrer vers de nouveaux emplacements. On s’attend à ce que le rythme des changements climatiques projetés soit de 10 à 100 fois plus rapide que la capacité de migration des arbres, entraînant ainsi des répercussions sur la santé et la productivité des forêts.
Les zones de rusticité des plantes délimitent les endroits où les conditions environnementales permettent à une espèce de survivre et de connaître une bonne croissance. Les changements climatiques ont déjà modifié l’aire de répartition de certaines espèces d’arbres au Canada, surtout dans l’ouest du pays. Un arbre qui commence actuellement sa croissance dans une zone de viabilité climatique connaîtra fort probablement des conditions climatiques très différentes lorsqu’il aura atteint sa maturité.
En outre, les changements climatiques suscitent la fonte du pergélisol en plus de prolonger la durée de la saison de croissance à la grandeur du pays. À mesure que les émissions de CO2 continuent à augmenter, d’ici la fin du 21e siècle on s’attend à ce que la majeure partie du pays connaisse une saison de croissance qui dure de 20 à 40 jours de plus que la réalité actuelle. Une plus longue saison de croissance pourrait améliorer la productivité des arbres, mais les changements survenus au chapitre des ravageurs, des feux de forêt, des sécheresses et d’autres phénomènes climatiques extrêmes devraient compenser la plupart des gains de productivité.
Changements forestiers et société
Les forêts sont indispensables au bien-être de la population canadienne. Cependant, les valeurs forestières sont compromises par les changements climatiques. Les feux de forêt dévastateurs sont d’une préoccupation majeure, car ceux-ci posent des menaces directes aux collectivités. Les valeurs écologiques seront aussi touchées, par exemple la biodiversité, l’air pur et l’eau propre, et le maintien du bilan mondial du carbone. Certains habitats fauniques risquent de disparaître ou de se déplacer vers le nord ou vers des altitudes plus élevées. De tels changements peuvent exercer une influence sur les activités spirituelles, culturelles et récréatives.
Le secteur forestier constitue une source importante de prospérité pour la population et les collectivités canadiennes. Les changements climatiques posent des défis au secteur forestier en limitant l’accès aux ressources forestières et en augmentant les coûts opérationnels. À ce titre, les coûts de transport augmentent, surtout dans les régions où les activités forestières hivernales sont la norme. La fréquence accrue des feux de forêt et des infestations de ravageurs limite l’approvisionnement en bois et agit au détriment du bien-être économique des collectivités forestières.
Évaluations intégrées pour l’avenir
Les chercheurs au SCF ont procédé à plusieurs évaluations intégrées sur les effets, les risques et les possibilités à l’égard des changements climatiques. La Carte de récits des changements forestiers présente une vue d’ensemble de ces travaux, y compris les principaux effets attendus au cours du présent siècle, par exemple :
- une diminution généralisée de la productivité forestière dans la plupart des régions;
- une augmentation considérable de la fréquence des feux de forêt dans le nord des Prairies et l’ouest du Québec, ainsi qu’une augmentation modérée ailleurs dans le pays;
- une propagation accrue des perturbations attribuables aux ravageurs, en particulier la tordeuse des bourgeons de l’épinette et le dendroctone du pin ponderosa
- des modifications à la composition des forêts et une augmentation de forêts mixtes dans la région méridionale de la forêt boréale et l’intérieur de la Colombie-Britannique.